Le sélectionneur national Djamel Belmadi s’est livré à nos confrères du journal ‘Compétition’ après la fin du match Togo-Algérie.
Le coach des Verts qui savourait encore la belle victoire contre
le Togo et la jolie qualification à la CAN 2019 a évoqué son plan
comme sélectionneur qui l’a déjà amené à cueillir le premier fruit
de sa courte période de travail, suivons-le.
Q1 : Un nouveau match et une victoire cette fois à
l’extérieur, on commence par une question classique, qu’est-ce qui
a marché aujourd’hui et qu’est-ce qui n’a pas marché, on commence
par les satisfactions…
Il y a eu une application des consignes et du travail qu’on a pu
faire durant toute la semaine qui a été quasi parfaite, surtout sur
cette première mi-temps, où les joueurs ont appliqué à la lettre ce
qui leur a été demandé, l’attitude qui a été irréprochable, chose
qui nous avait manqué depuis pas mal de temps, même lorsque je
n’étais pas là, car je suis un sélectionneur et je prends le passif
aussi, c’est là où on a été très bons, c’est ça la satisfaction
aujourd’hui.
Q2 : Par rapport au match de Cotonou,
c’était quoi la réflexion pour arriver à ces
changements ?
Pour arriver à appliquer et mettre en place des idées, cela se fait
avec des joueurs.
Q3 : Vous voulez dire le profil des
joueurs…
Voilà, donc il y a eu un choix par rapport à ça, après le match
contre le Bénin, j’avais déjà des idées, qui se sont nourries, en
pensant à ce match pratiquement tous les jours, il y a eu un choix
des hommes, une liste dans le sens que je voulais, car ce sont les
joueurs qui mettent en application les choses. Pour moi, il y avait
des joueurs qui ont failli par rapport à ce qui a été recommandé et
dicté, par rapport à ce qui a été mis en place.
Q4 : Quand vous dites, ils ont failli,
est-ce un jugement définitif ?
Non, jamais, pas de jugement définitif. D’ailleurs, même ces
joueurs-là, aujourd’hui, après le match, j’ai fait une réunion avec
eux. C’était après le repas, je les ai d’abord félicités, j’ai
retrouvé un peu la voix, avec calme, je leur ai dit de continuer de
travailler jusqu’au mois de mars, jusqu’à la prochaine date FIFA,
on ne va pas pouvoir se retrouver avant ça, la plupart d’entre eux
ne seront pas habilités à jouer puisque ce n’est pas une date FIFA,
je leur ai demandé de bien travailler, pour ceux qui n’ont pas
assez de temps de jeu, je leur ai demandé de faire le nécessaire
puisque c’est bientôt le mercato du mois de décembre, je leur ai
expliqué qu’il n’y a aucune garantie malgré cette belle victoire,
ils ont compris ce que je recherchais chez les joueurs, ça a pris
un peu de temps mais je pense qu’ils ont compris ce que j’attendais
d’eux.
Q5 : Cela ne vous dérange pas de tester
des joueurs dans des matches officiels importants, cela paraît
assez problématique comme démarche…
Oui, dans ce sens, j’aurais aimé avoir les 6 ou 7 matches amicaux
qui ont précédé cette CAN, je ne vous le cache pas, j’aurais été un
peu plus stable, j’aurais trouvé une grosse partie de mon
onze-type, mais c’est que j’ai hérité de ça, il faut que je fasse
avec, mais ne pensez pas que ce sont des risques inconsidérés. Pour
beaucoup de gens, ça peut l’être mais moi je ne vois pas les choses
comme ça, moi je vois des joueurs qui répondent positivement, je
vois leur attitude, car, aujourd’hui, parlons clairement des
choses, un Chita, avec sa première sélection dans un match entre
guillemets ‘’à haut risque’’, aucune expérience… mais moi, je
ne vois pas de risque, il doit démarrer un jour, on peut démarrer
dans un match amical sans aucune pression, démarrer comme ça, ce
n’est pas plus mal, on ne joue pas devant son public, on a des
recommandations tactiques, c’est quelqu’un de très studieux et très
à l’écoute, il a eu quelques difficultés au départ, mais je
reconnais son travail de l’ombre, et je compare, car je sais ce que
j’ai vu avant, je vois qu’il y a quand même un très grand apport,
je suis très satisfait de lui, il y a aussi Belaïli, qui n’a pas
été en sélection depuis longtemps, il vient d’être champion
d’Afrique, il a beaucoup d’envie, c’est un des éléments qui peuvent
m’apporter beaucoup dans des matches pareils, il est dans ce
registre de jeu, il doit juste respecter les consignes, c’est ce
qu’il a fait, mettre deux 8 comme Benzia et Feghouli, ça peut être
pris aussi comme un risque, mais quand on les connaît… (Il hoche la
tête). Benzia était un attaquant de pointe, avant de passer comme
deuxième attaquant, voire un meneur en club à Fenerbahce comme à
Lille, aujourd’hui il joue en 8, à force de descendre comme ça il
va finir par devenir libero (rire), donc, mon intention c’était de
produire du jeu, avoir des joueurs qui savent garder le ballon, et
qu’ils puissent devenir un peu plus créateurs que ce qu’on avait
jusqu’à présent, après il y a l’aspect défensif qui peut poser
problème, surtout avec le fait qu’ils soient des éléments à
vocation offensive, des attitudes aussi, je sais que ce sont des
joueurs qui font bien la transition offensive, défensive, ça, c’est
ce que je vois à l’entraînement, c’est ce que je vois quand je leur
demande, et c’est ce qui me donne confiance, c’est pourquoi cela ne
me pose pas de problème de les faire jouer comme ça, après Sofiane
Feghouli a toutes les aptitudes de jouer dans son rôle de relayeur,
en tant que 8.
Q6 : Est-ce que le schéma du match
d’aujourd’hui (NDLR du Togo) vous laisse croire que c’est l’une des
options… (Il nous coupe)
Gagner avec un score large, se créer beaucoup d’occasions en ayant
accusé très peu, ça peut nous laisser imaginer qu’on peut
travailler sur un truc comme ça, là, si je commence à tout
bouleverser, on va finir par me prendre pour un fou, mais pour
autant que je vous dis, c’est bien réfléchi, c’est aussi avec, je
ne vais pas l’appeler de la compétence mais un peu
d’expérience.
Q7 : Un peu beaucoup…
Je comprends l’importance et la portée des choix, et croyez-moi,
c’est nuit et jour que je pense à ça, peut-être de l’extérieur on
peut avoir cette impression de prise de risque, mais pour moi, ce
sont des décisions mûrement réfléchies.
Q8 : Depuis la Coupe du monde 2014, on a
beau parler du chantier de la défense, que ce soit avec Gourcuff ou
tous ceux qui sont venus après, est-ce qu’on peut dire aujourd’hui
que vous avez eu des réponses à cet épineux
problème ?
Déjà, je dois dire que sur les 3 matches que j’ai dirigés,
on a eu 2 sorties en Afrique, et ce n’est pas la même chose
que de jouer à domicile. 3 matches, en ayant pris 2 buts, c’est un
peu trop à mon goût mais sans que ça soit dramatique, je pense
qu’on avait des motifs de satisfaction avec cette défense qu’on a,
que ce soit avec Farès, Bensebaïni, Tahrat, Atal ou Mandi qui a
joué aussi, on était partis sur le bon chemin, aujourd’hui, si je
veux changer, j’ai la possibilité de mettre Abdellaoui, qui joue
latéral gauche à Sion, à son poste (Mandi), ou mettre
Bensebaïni à son poste, mais j’ai opté pour Benlamri…
Q9 : Justement, parlez-nous de
Benlamri…
Je ne sais pas si vous le suivez en Arabie Saoudite, mais moi je le
suis bien, car c’est un championnat proche du mien, je sais qu’il y
a de la qualité là-bas, je sais par exemple qu’il a eu un match
récemment contre le Hilal, il a quasiment été le joueur du match,
avec en face de lui, comme adversaire direct, Gomis de l’OM,
Eduardo qui a joué à Nice et Omar Abderrahmane, un joueur émirati
très fort, et à lui seul il a maîtrisé cette défense, il m’avait
aussi laissé une bonne impression sur les différents entraînements
qu’on a pu avoir sur les matches précédents.
Q10 : Il a gagné des points dimanche
soir…
Je ne vais pas aller jusqu’à dire qu’il a été très important, mais
très sincèrement il a été trés courageux, c’est quelqu’un qui a
beaucoup d’envie, car pour rejoindre l’équipe nationale d’Algérie
il faut avoir un supplément d’âme, jouer pour son pays, et on n’est
pas n’importe quel pays, on est une grande nation, ça ne suffit pas
de jouer comme en club, c’est un peu la réflexion que j’ai eue
après le match contre le Bénin et mes choix aujourd’hui ont été
dictés un peu par ça.
Q11 : On avance vers un nouveau
compartiment, il y avait un souci au niveau du milieu, qu’avez-vous
tracé pour le remettre en marche ?
Je crois que cette association de joueur qui défendent en avançant,
et qui vont mettre la pression comme Yassine, comme Sofiane, ça
impulse, ça fait remonter le bloc, on ne laisse pas jouer, après,
il y avait Oussama derrière eux qui était assez combatif, tout n’a
pas été parfait mais c’est tout à fait normal, défendre en avançant
était aujourd’hui quelque chose qu’on voulait et qui a été mis en
application.
Q12 : On a vu la star de l’équipe, à savoir Riyad Mahrez,
qui a été, précédemment, très critiqué, et qui a fini par répondre
présent…
Il doit voir quelque part ses torts. Maintenant, si on fait des
analyses, moi, je vous ai dit avant le match contre le Bénin qu’il
fallait l’aimer, je ne sais pas comment ça a été perçu, Ça veut
dire quand on a la chance d’avoir un joueur comme ça, il faut
trouver autre chose que la critique facile, on essaye de le mettre
dans les meilleures conditions. Après, il y a les conditions en
Afrique avec les terrains pourris, les adversaires très difficiles.
Tout cela est un peu difficile et différent de Manchester, les
critiques doivent être un peu plus élaborées, on dit souvent et à
chaque fois, à City il joue comme ça, mais à City il joue dans une
belle pelouse, il y a des équipes avec des automatismes, c’est pour
cela qu’il faut être mesuré, je ne dis pas qu’il n’est pas
critiquable, mais il faut une critique mesurée, une critique de
gens qui comprennent le football, une critique sportive, ne pas
balancer des choses comme ça. Ceci dit, le joueur a aussi ses torts
peut-être dans l’implication, après il y a des choses qui peuvent
expliquer ça, peut-être ce n’est pas que le terrain, peut-être
c’est l’environnement qui n’était pas approprié pour lui, je ne
vais pas rentrer dans les détails car peut-être je vais le toucher,
et toucher d’autres gens, on a beaucoup parlé, communiqué, il aime
son pays, en voyant des gens parler, je me dis que certains sont
malhonnêtes, ils disent des choses de lui alors que Riyad aime
profondément son pays, il passe ses vacances dans son village, ce
sont des preuves d’attachement.
Q13 : Un attachement aux
racines…
Après, il n’a peut-être pas toujours été parfait mais c’est un
joueur qu’on entoure, qu’on assiste, qu’on pousse croyez-moi, on
n’a pas le choix, je ne vais pas le laisser faire. Au Bénin, il
était sur le banc, le match d’avant, il était sorti, par contre
c’est un joueur d’une qualité extraordinaire, il faut en tirer le
maximum, à nous de faire le travail, nous, les sélectionneurs, vous
les médias, essayez d’être un peu plus mesurés, et lui d’y mettre
du sien.
Q14 : Il y a aussi le problème des
leaders, l’équipe nationale peine à trouver des leaders, pas
forcément techniques, mais des leaders de groupe est-ce que vous
avez besoin de cadres ?
J’ai déjà des joueurs comme Rafik Halliche qui est là,
malheureusement il ne peut pas jouer mais qui encadre le groupe, la
concurrence est rude les places sont chères, il ne joue pas
beaucoup dans son équipe mais pour autant, je le prends pour
entourer ces joueurs-là, peut-être qu’il y a un déficit de ce
côté-là mais ce qui m’importe le plus, c’est d’avoir un leader
technique, ce qui m’intéresse le plus, c’est d’avoir des joueurs
sur le terrain qui savent prendre leurs responsabilités dans tous
les secteurs et dans toutes les lignes, aujourd’hui on a vu Djamel
Benlamri, cela fait longtemps qu’il n’a pas joué en sélection, mais
il était très impliqué, il élevait la voix quand il fallait c’était
un leader, j’ai vu aussi un Sofiane Feghouli même si ce n’est pas
trop surprenant, après aussi pour Baghdad Bounedjah, comment il se
démenait en attaque, sa débauche d’énergie, pour moi ça sera un
leader, qu’ils le montrent par les faits. Un leader technique,
c’est ce qui m’intéresse le plus, après dans la vie du groupe, ça
fonctionne très bien, ce n’est pas juste une phrase bateau, le
groupe est très sain, bosseur rien à dire, c’est de mieux en mieux
de ce côté-là, ça c’est sûr.
Q15 : Maintenant que vous êtes qualifiés
il y a la CAN, est-ce qu’il y a comme ça un chantier que Djamel va
attaquer ?
Ce groupe est largement perfectible, j’ai vu des situations sur des
matchs même dans ce match-là, j’ai des situations bien précises,
qui me prouvent qu’il y a encore du travail, qu’il faut progresser
il y a des automatismes à créer, il y a vraiment des choses où il
faut évoluer où on doit travailler, c’est bien on est qualifiés,
moi aussi je vais rentrer dans une phase où il va y avoir du temps,
je vais bosser. D’ici mars, je vais aller voir les joueurs, et pas
aller les voir dans le stade et m’asseoir en tribune et prendre des
petits fours, je vais aller à Manchester et prendre du bon temps je
vais parler avec les joueurs, m’asseoir avec eux, leur dire ce que
j’attends qu’il faut qu’il bosse, qu’ils doivent gagner du temps,
je ne veux pas qu’ils arrivent au mois de mars pour seulement leur
dire voilà le plan de jeu, voilà comment on voit les choses. Non,
avant ça, il faut gagner du temps ici et là, dans les secteurs,
etc.
Q16 : Le mois prochain il y aura un stage
au Qatar où il y aura beaucoup de joueurs locaux, peut-être même
des joueurs des championnats du Golfe non ?
Bah, si je peux compter sur eux oui, si je peux prendre un Baghdad
s’il veut continuer à jouer…
Q17 : Ceux de l’Arabie Saoudite, non
?
Par exemple qui joue en Arabie Saoudite ?
Q18 : Benlamri, Mbolhi, etc.
Oui, c’est ce que je cherche, ce n’est pas une équipe nationale des
locaux, moi ce n’est pas du tout ça, c’est une équipe nationale
tout court, c’est vrai qu’il y aura beaucoup de têtes nouvelles et
beaucoup d’entre eux jouent en championnat. Ça ils m’ont tellement
fatigué avec ça le championnat est faible, etc. Oui, qu’est-ce
qu’on fait ? Qu’est-ce que vous faites vous ? Tous les acteurs du
football, qu’est-ce que vous faites pour qu’il n’y ait plus de coup
de couteau dans le stade, qu’on ne casse pas tout, pour que chaque
match ne devienne pas un drame. Ça c’est pour ceux qui décident et
moi je fais tout ce qui est technique, j’observe, je regarde, je
suis, et dès que j’ai la possibilité, je ramène des joueurs pas
forcément des locaux, je ramène des joueurs qui puissent donner un
peu plus à l’équipe nationale. Ce stage-là va être dans ce sens-là,
donc si je décide de prendre des Baghdad, des joueurs des clubs
européens, si je peux prendre quelques-uns comme Darfalou, on leur
a rendu service à un moment donné vont-ils pouvoir nous le rendre
aussi, il y a Boulaya aussi, il y a des joueurs comme ça qu’on va
essayer de voir, moi je veux une équipe compétitive sur qui je peux
compter.
Q19 : Votre profile, notamment dans les
joueurs du championnat d’Algérie, vous visez des éléments comme
Chita, à savoir des jeunes ou… (il nous coupe).
Par contre c’est sûr qu’on ne vas pas prendre des joueurs de 30, 31
ans ou 32 ans, je vais prendre des joueurs qui ont 20 ans, qui
soient déjà prêts, il y a des éléments intéressants, j’ai déjà une
liste en tête, on ne va pas organiser un stage comme ça sans avoir
de noms, j’ai des noms de joueurs en tête et une impression qu’ils
peuvent avoir très vite le niveau international, maintenant on va
le voir parce que le Qatar ce n’est pas une petite équipe, ils
viennent de battre la Suisse, avant ça ils ont battu l’Equateur
4-1, ils sont sur une bonne dynamique, ils ont la coupe d’Asie en
janvier, ils sont sur une bonne dynamique, ça va être un match très
intéressant à jouer.
Q20 : Il y a la CAN, il reste 6 mois, est-ce que vous
estimez que vous disposez d’assez de temps pour monter une équipe,
et de programmer assez de matches amicaux ?
J’ai le temps que j’ai, je vais l’optimiser, via les stages qu’on a
abordés là, au mois de mars aussi.
Q21 : Est-ce qu’il y aura un match amical durant la date
FIFA de mars ?
Oui, c’est ça l’idée, mettre un 2e match, choisir
une belle nation.
Q22 : Africaine ?
Africaine, nord-africaine même, car il est temps d’aller affronter
une équipe d’Afrique du Nord, jouer ce match-là, on va faire tout
ce qu’on peut pour gagner du temps, ça c’est sûr.
Q23 : Lors de votre première conférence de
presse, vous avez dit, moi je veux arriver à la coupe d’Afrique
avec un maximum de certitudes, les avez-vous
eues jusque-là ?
On gagne 4-1 contre le Togo, qui doit jouer qui se relance, c’est
sûr qu’il y a un motif de satisfaction, dans certains domaines, il
y a des certitudes.
On vous remercie de nous avoir accordé cette
interview
Pas de souci et puisque c’est Compétition,
permettez-moi de présenter mes condoléances à votre collègue Asma
après le décès de sa maman, on est de tout cœur avec elle dans ces
durs moments.