La sortie de Tom Saintfiet n’a rien d’anecdotique. À la veille d’un nouveau cycle continental en pleine redéfinition, le sélectionneur du Mali a mis des mots sur un malaise largement partagé dans les couloirs du football africain. En contestant l’idée de faire passer la Coupe d’Afrique des Nations (CAN)d’un rythme biennal à un rendez-vous quadriennal, le technicien belge n’a pas simplement exprimé une opinion personnelle. Il a rappelé une réalité historique et identitaire : depuis des décennies, la CAN constitue le cœur battant du calendrier africain, un repère régulier qui structure les générations, les carrières et la mémoire collective. Toucher à ce rythme, c’est bousculer un équilibre fragile, souvent conquis au prix de longues luttes institutionnelles pour faire reconnaître l’Afrique comme une force autonome du football mondial, et non comme un simple satellite des autres continents.
Derrière la question du calendrier se cache un enjeu bien plus profond : celui du respect. Saintfiet pointe implicitement une décision perçue comme déconnectée des réalités africaines, prise sous l’influence de contraintes extérieures, économiques et politiques. Pour de nombreux acteurs du continent, réduire la fréquence de la CAN revient à affaiblir sa visibilité, son impact populaire et son rôle de vitrine pour des joueurs qui n’évoluent pas tous dans les grands championnats européens. La CAN, jouée tous les deux ans, permettait aussi à des sélections en construction de se mesurer régulièrement à l’élite, d’apprendre, de progresser et parfois de créer la surprise. En espaçant l’événement, on risque de figer les hiérarchies, de ralentir le développement sportif et de couper une partie du public africain d’un rendez-vous qui dépasse largement le cadre du football.
Cette prise de position intervient dans un contexte où le football africain cherche encore son juste équilibre entre modernisation et fidélité à son ADN. La volonté d’aligner certaines compétitions sur les standards internationaux peut se comprendre, mais elle ne doit pas se faire au détriment de l’histoire et des spécificités du continent. Le message de Saintfiet résonne comme un avertissement : l’Afrique ne peut pas se contenter d’ajuster son calendrier pour satisfaire des agendas extérieurs sans se poser la question de ce qu’elle perd en chemin. La CAN n’est pas qu’un tournoi, c’est un symbole de régularité, de proximité avec les peuples et de continuité sportive. En rappelant que « le respect » doit rester au centre des décisions, le sélectionneur malien remet le débat à sa juste place : celui d’un football africain qui doit décider pour lui-même, en conscience de son passé et de ses ambitions.
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