Algérie Foot– La question des joueurs binationaux reste l’un des dossiers les plus complexes auxquels la Fédération Algérienne de Football (FAF) fait face depuis plusieurs années. En particulier depuis la mise en place de la loi Bahamas en 2009, cette situation a créé de nombreux défis pour les dirigeants algériens, dont l’actuel président Walid Sadi et son équipe exécutive. Ceux-ci cherchent sans relâche à convaincre certains des talents les plus prometteurs évoluant en France, tels que le jeune Rayan Cherki (21 ans), actuellement au Lyon, ou encore le talentueux Maghnes Akliouche (22 ans), milieu de terrain de l’AS Monaco, de rejoindre l’équipe nationale des “Verts”.
Leur travail a porté ses fruits avec d’autres joueurs évoluant en Europe, comme Ibrahim Maza (19 ans) du Hertha Berlin, Amine Chiakha (18 ans) du FC Copenhague, ou encore Rayan Kolli (19 ans) de Queens Park Rangers. Cependant, un problème récurrent persiste : pourquoi est-il plus difficile de convaincre des joueurs d’origine algérienne évoluant en France de rejoindre les rangs de l’Algérie, comme cela se passe avec Cherki et Akliouche ? Une question qui ne cesse de diviser l’opinion publique en Algérie, d’autant plus que des joueurs comme Houssem Aouar, Rayan Ait Nouri, ou Amine Gouiri ont fini par opter pour la sélection algérienne en 2023.
Un autre fait marquant est la facilité avec laquelle la FAF parvient à enrôler des joueurs évoluant dans d’autres pays européens, qu’il s’agisse du Danemark, de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Angleterre. Le débat autour des raisons de cette différence d’attitude entre les joueurs français et ceux d’autres pays a suscité des réactions d’entraîneurs algériens et d’anciens footballeurs, qui ont partagé leur point de vue sur ce phénomène.
Mohamed Dahmane, ancien attaquant de l’équipe belge du Club Bruges, a partagé son analyse : “Il y a effectivement des pressions exercées par certains clubs sur les joueurs binationaux pour qu’ils choisissent l’équipe de France, et ce pour des raisons économiques. Les clubs savent que la valeur marchande d’un joueur qui opte pour la France sera supérieure à celle de celui qui choisit l’Algérie. Il ne faut pas oublier la polémique des quotas lors de l’ère Laurent Blanc, qui a changé bien des choses pour les joueurs pris entre deux sélections. L’impact de cette époque a marqué des joueurs comme Karim Benzema ou Samir Nasri, qui ont vécu des situations difficiles avec la sélection française.”
Selon Mohamed Dahmane, “si certains joueurs hésitent à rejoindre l’Algérie, c’est qu’ils n’ont pas encore saisi la véritable signification de représenter leur pays. Cela va bien au-delà d’un choix sportif, c’est une décision qui implique aussi le cœur et l’esprit. Il est naturel qu’un joueur choisissant l’Algérie se sente un sentiment authentique. Personnellement, je pense qu’il ne faut pas insister auprès des joueurs indécis, mais plutôt tourner la page. Heureusement, l’Algérie regorge de jeunes talents, que ce soit dans le championnat local ou dans d’autres pays européens.”
L’actuel sélectionneur du Yémen, Noureddine Ould Ali, qui avait auparavant été responsable de l’équipe olympique algérienne, s’est exprimé sur sa communication avec des joueurs à double nationalité. Il a déclaré à ce sujet : « La différence réside dans le fait que les joueurs formés dans les académies françaises sont intégrés dans un projet sportif de grande envergure au sein de ce pays, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens. L’objectif de la Fédération française de football est toujours de recruter ces joueurs afin de développer les catégories jeunes, y compris l’équipe nationale A, ainsi que les clubs participant aux compétitions européennes. Il est donc normal qu’ils subissent de telles pressions. Il ne faut pas oublier que le club qui a façonné le talent de ce joueur estime avoir le droit de le voir représenter le pays même du club, surtout lorsque l’on considère la dimension économique de cette question. »
Ould Ali a poursuivi : « Je pense que la Fédération algérienne de football a modifié sa stratégie en ce qui concerne le changement de nationalité sportive de ces joueurs, notamment en adoptant une grande discrétion dans ses échanges avec eux. Notre problème en Algérie, c’est surtout le battage médiatique autour de ces questions, ce qui augmente la pression sur les joueurs et les rend hésitants à prendre leurs décisions. Par exemple, durant ma période en tant qu’entraîneur de l’équipe olympique algérienne, j’ai essayé de contacter Farès Chaïbi lorsqu’il jouait pour le Toulouse FC, mais ils ont refusé qu’il rejoigne notre équipe. Certes, il y avait des doutes parmi les responsables de l’équipe nationale quant à son niveau, car il ne s’était pas encore vraiment imposé à cette époque. Mais, pour ma part, je voyais en lui un potentiel capable d’apporter une réelle contribution, surtout qu’il montrait une envie de jouer pour l’Algérie malgré les tentations de l’équipe de France jeunes. »
Il a ajouté : « Cela vaut aussi pour le cas de Maghnes Akliouche. Il y a trois ans, j’ai tenté d’établir un contact avec lui et son entourage. J’ai même essayé de joindre son père, mais ce dernier n’a pas répondu à mes appels. Lorsque Monaco a découvert que l’équipe olympique algérienne était intéressée par le joueur, ils se sont empressés de le convoquer pour l’équipe de France jeunes. Depuis, les pressions n’ont cessé de s’intensifier sur lui, et c’est une situation que beaucoup d’autres joueurs connaissent également. Comme je l’ai dit, pour éviter ces scénarios, il faut limiter le battage médiatique et travailler en toute discrétion. »
Ismaïl Bouzid, défenseur international algérien, est également d’avis que les joueurs restent maîtres de leur choix final. “Les joueurs évoluant dans des championnats comme celui de France subissent une pression accrue, mais c’est à eux de prendre leur décision. Un joueur qui veut réellement jouer pour l’Algérie ne se laissera pas influencer par les pressions extérieures, qu’elles proviennent de son club ou d’autres facteurs”, a-t-il ajouté.
Enfin, Djellali Behhloul, ancien entraîneur de la JS Kabylie et natif de Marseille, a souligné l’importance de la réflexion personnelle des joueurs. “Le cas d’Ibrahim Maza, qui a choisi l’Algérie malgré toutes les pressions, démontre qu’il n’y a rien de plus beau que de jouer pour son pays d’origine. Cela montre qu’un joueur peut surmonter les obstacles et faire le choix de la fierté nationale, même si la pression est énorme.”
En somme, bien que la pression économique et sportive en France soit un facteur déterminant dans l’hésitation de certains joueurs, l’Algérie continue de faire valoir ses talents et d’accueillir chaleureusement ceux qui choisissent de défendre ses couleurs.
Lire également :
“Je pouvais perdre…” : Benchikha frôle le ridicule
