La rencontre inaugurale de la CAN 2025 à Rabat au Maroc a laissé un sentiment contrasté, au-delà du score flatteur en faveur du pays hôte. Officiellement, la soirée a consacré Brahim Díaz comme homme du match, distinction logique au regard de son but libérateur et de son influence technique dans le jeu marocain. Officieusement, une autre lecture s’est imposée dans l’esprit de nombreux observateurs : celle d’un trophée individuel qui aurait tout aussi légitimement pu revenir au gardien comorien Yannick Pandor, auteur d’une prestation de très haut niveau. Pendant plus d’une heure, c’est bien lui qui a maintenu les Cœlacanthes en vie, repoussant l’échéance avec sang-froid et réflexes, dans un contexte hostile et sous une pression constante.
Dès la 11e minute, Pandor a donné le ton en détournant un penalty de Soufiane Rahimi, stoppant net l’élan marocain et rappelant que cette affiche ne serait pas une formalité. Derrière, il a multiplié les interventions décisives, notamment face aux tentatives répétées de Noussair Mazraoui et de Nayef Aguerd, gardant son équipe à flot malgré un rapport de forces largement déséquilibré. Le Maroc, dominateur mais parfois imprécis, a longtemps buté sur ce dernier rempart, jusqu’à ce que Díaz fasse enfin sauter le verrou à l’heure de jeu, d’une reprise inspirée qui a libéré le stade Prince Moulay Abdellah. Le second but, spectaculaire retourné d’Ayoub El Kaabi, est venu sceller le sort du match, sans pour autant effacer l’impression laissée par la résistance comorienne.
C’est précisément là que le débat s’installe. Dans une compétition organisée au Maroc, sous l’œil de la CAF et dans un contexte où chaque symbole compte, l’attribution du trophée d’homme du match à un joueur du pays hôte a nourri certaines interrogations. Sans remettre en cause la qualité de la prestation de Díaz, décisif et constant, beaucoup ont estimé que Pandor incarnait davantage l’esprit de ce match : celui d’un outsider courageux, repoussé mais jamais dépassé, et maintenu en vie par un gardien en état de grâce. Ce genre de choix alimente inévitablement le sentiment d’un Maroc favorisé par l’environnement institutionnel, une perception délicate à gérer pour un tournoi qui se veut vitrine d’équité et de mérite sportif. Pour les Comores, la défaite n’efface pas la performance, et pour Pandor, cette soirée restera comme une confirmation au plus haut niveau, même sans récompense officielle. Quant au Maroc de Walid Regragui, il avance avec trois points et des certitudes offensives, mais aussi avec la conscience qu’il lui faudra hausser le ton face à des adversaires qui, eux, n’auront rien à perdre.



































