Maroc – CAN : On croyait le cœur du football africain battre plus fort que jamais à Rabat, mais le battement s’est tu dès le deuxième jour. Après l’ovation de clôture du Maroc-Comores – 60 000 âmes en liesse – les murs du Prince Moulay Abdellah ont rendu un écho glacial : gradées clairsemées, chants éteints, sièges pliés comme après un match de coupe de quartier. Les caméras, pourtant habituées aux mosaïques de couleurs, ont dû zoomer sur les bancs de touche pour trouver une figure vivante. Bilan : moins de huit mille spectateurs en moyenne les trois premières sessions, un chiffre que même la Libye en crise n’avait pas connu en 2017. Au micro de beIN, un steward résume l’ambiance : « On entend le crissement des semelles plus que les encouragements. »
Le fiasco n’est pas seulement visuel ; il est financier et politique. La CAF avait vendu à ses partenaires une fête populaire ; elle livre un théâtre vide. Les accréditations « presse » dépassent parfois le nombre de visages dans les virages, et les sponsors commencent à réclamer des reports de paiement. Dans les cafés de Casablanca, on commente moins les gestes techniques que le prix exorbitant des billets : 4 000 dirhams sur le marché noir pour une place officiellement à 150. « On vend le rêve africain au prix du billet d’avion pour Paris », raille un supporter qui a rebroussé chemin. Le ministre des Sports, redevenu muet après ses promesses de « spectacle inédit », reçoit des notes urgentes : ouvrir les portes gratuitement ou risquer la honte continentale. Entre-temps, les familles préfèrent acheter trois jours de marketé que vingt-deux minutes de football.
Pire encore, la fraude organisée. Des témoignages convergents décrivent des files d’attente fantômes sur les sites officiels, des billets qui s’évaporent en dix secondes pour réapparaître aussitôt sur des groupes WhatsApp à prix triplés. Des « rabatteurs » opèrent devant les stades, badges authentiques autour du cou, proposant des places « officielles » scannées dix fois déjà. L’Union africaine de supporters appelle au boycott, tandis que la FAF exige une ré-ouverture de la billetterie pour les Algériens, première communauté visée par le racket. Dans les couloirs de la CAF, on murmure qu’un audit est déjà commandé ; dans les rues de Salé, on craint que le scénario se répète en 2030, quand le Maroc co-accueillera la Coupe du monde. Entre crise de légitimité et peur du vide, le football africain regarde ailleurs : ailleurs, au moins, les tribunes chantent encore.



































